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Un objet romain de grande valeur a été découvert dans ce pays. Il a probablement été fabriqué à Aquilée au Ier siècle. À quoi servait-il ? Qui représente-t-il ?

Le scintillement noir et blanc d’un visage terrifiant émerge d’un espace minuscule, presque aussi petit qu’un doigt, et pourtant il raconte des histoires de commerce, d’artisanat et de symboles d’un pouvoir lointain. Au cœur des Alpes autrichiennes, entre les eaux tranquilles d’un lac millénaire et les parois salines qui ont nourri des civilisations pendant des millénaires, un joyau a été découvert, porteur de l’écho d’un monde vaste et complexe : un camée romain en onyx, représentant Méduse, sculpté avec une précision étonnante sur seulement 1,5 cm de hauteur. Il ne s’agit pas seulement de l’un des rares camées romains découverts en Haute-Autriche (seulement trois), mais aussi du plus grand et du plus détaillé d’entre eux, une petite merveille qui allie art, symbolisme et savoir-faire artisanal.

Méduse à Hallstatt : art, mythe et pouvoir protecteur dans les provinces romaines

La gemme a probablement été réalisée à Aquilée, ville portuaire florissante et centre artisanal de la haute Adriatique, au IIe siècle après J.-C. L’onyx à bandes noires et blanches a été magistralement exploité : le fond noir mat met en valeur la tête de la Gorgone, sculptée dans la bande blanche, avec les serpents de ses cheveux qui s’entrelacent dans des détails presque translucides. Les zones les plus denses du visage et du sommet de la tête brillent d’un blanc intense, conférant profondeur et un sens presque tridimensionnel à l’image. Ce camée n’était pas conçu pour être un bijou à porter comme une bague ou une boucle d’oreille : trop grand et trop précieux, il devait probablement orner un pendentif, un objet de prestige qui véhiculait pouvoir et protection.

Le thème de Méduse n’est pas fortuit. Dans l’art romain, la tête de la Gorgone n’était pas seulement décorative : elle était un apotropaïque, un symbole de défense contre le mal et les influences néfastes. On la retrouve dans des contextes domestiques, publics et même funéraires, où son image pouvait protéger le défunt des forces hostiles ou garantir un passage sûr dans l’au-delà. Sa présence à Hallstatt suggère que même dans les provinces les plus reculées de l’Empire, les symboles et les croyances romains étaient véhiculés par des objets de luxe et des objets quotidiens, mêlant culte, esthétique et fonction protectrice.

Hallstatt, principalement connue pour ses salines millénaires, était déjà sous contrôle romain dès le milieu du Ier siècle après J.-C. L’extraction du sel, qui a commencé au Néolithique, s’est poursuivie sous l’Empire : les Romains ont fondé une colonie civile liée à l’administration des salines et ont exploité les ressources locales pour l’économie impériale. La gemme a été retrouvée dans la zone de la nouvelle station du funiculaire de la ville, où des fouilles systématiques, commencées en 2015 et reprises cette année, ont permis de mettre au jour des couches d’occupation romaine, offrant un aperçu concret de la vie dans cette région alpine.

Outre la précision technique de son travail, le camée révèle l’intégration d’héritages méditerranéens dans un contexte alpin : Aquileia, avec ses ateliers de gemmaires, servait de plaque tournante commerciale, exportant des objets de luxe dans tout le nord de l’empire. L’utilisation habile des bandes noires et blanches de l’onyx témoigne d’une connaissance approfondie de la sculpture sur des matériaux durs et stratifiés, où la variation chromatique n’est pas seulement décorative mais fait partie intégrante de la composition iconographique.

Le petit mais puissant visage de Méduse n’est donc pas seulement un bijou, mais un messager du monde romain : il évoque les contacts culturels, les échanges commerciaux, l’artisanat sophistiqué et les croyances symboliques. Sa prochaine exposition, en 2026, dans le cadre de la nouvelle exposition permanente sur l’archéologie de la Haute-Autriche au Musée du château de Linz, offrira au public la possibilité de contempler un fragment d’histoire qui mêle art, technique et mythe, une petite fenêtre sur les relations entre l’Empire et les régions alpines.

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