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Skhūl I, la petite fille qui vécut il y a 140 000 ans et qui réécrit l’histoire du premier contact entre les Néandertaliens et les Homo sapiens

Les déplacements de groupes humains vers le corridor du Levant ont facilité le premier contact connu entre les Néandertaliens et les Homo sapiens. Les fluctuations climatiques du Pléistocène moyen ont transformé ce territoire en un passage obligé entre l’Afrique et l’Eurasie. Les populations qui avançaient depuis le nord y ont trouvé des ressources abondantes et des zones habitables. La coexistence prolongée a favorisé les échanges génétiques qui ont laissé des traces chez les descendants des deux lignées. Ce contact initial a ouvert une étape évolutive de métissage qui a modifié l’anatomie et la répartition des populations humaines.

Une étude récente relance le débat sur les origines du crâne d’enfant trouvé au mont Carmel

L’article publié cette année dans L’Anthropologie décrit en détail les nouvelles recherches sur le crâne d’enfant Skhūl I, provenant du mont Carmel. Dirigés par Bastien Bouvier, ces travaux ont utilisé la tomographie assistée par ordinateur et des reconstructions en 3D pour comparer le neurocrâne et la mâchoire à d’autres spécimens d’Homo.

Les analyses montrent des traits compatibles avec l’Homo sapiens à la base du crâne et des similitudes avec l’Homo neanderthalensis dans la structure mandibulaire. Cette dualité a conduit l’équipe à proposer que l’individu appartenait à un paléodémo mixte avec des apports génétiques des deux lignées.

Les fouilles originales, menées en 1931 par Dorothy Garrod et Theodore McCown, ont mis au jour Skhūl I ainsi que neuf autres restes humains. L’ensemble a été découvert dans une chambre funéraire présentant des traces d’inhumations intentionnelles, ce qui fait de cette découverte l’une des plus anciennes sépultures connues. La fillette, âgée de 3 à 5 ans, a été soigneusement déposée dans un cimetière commun pour adultes et enfants, preuve de pratiques sociales complexes à un stade précoce de l’humanité.

La comparaison morphologique détaillée révèle un neurocrâne avec un profil vasculaire similaire à celui des Néandertaliens et un labyrinthe osseux proche de celui de l’Homo sapiens. Le foramen magnum incliné vers l’arrière rappelle celui du spécimen Kabwe I de l’Homo rhodensiensis. La mâchoire, en revanche, présente un plan alvéolaire en retrait et des dents disposées en arc large, des traits associés à des formes archaïques. Cette combinaison ne correspond pleinement à aucune espèce connue, ce qui laisse penser à une population hybride établie dans le Levant.

Les experts divergent sur l’interprétation génétique et l’authenticité du crâne attribué à Skhūl I

Le paléoanthropologue Israël Hershkovitz, de l’université de Tel Aviv, a expliqué à BBC Mundo que « la première rencontre entre les Néandertaliens et les Homo sapiens a eu lieu il y a environ 140 000 ans, bien avant ce que l’on pensait ». Il a ajouté que la petite fille Skhūl I représente une «population presque sapiens avec une plus grande proportion de gènes néandertaliens ». Son équipe suggère de maintenir une catégorie distincte pour cette population, appelée Skhūl paleodemo, en attendant que les études ADN permettent de confirmer cette hypothèse.

Le chercheur Antonio Rosas, du Musée national des sciences naturelles, nuance ces conclusions. Il souligne que « la détermination génétique de l’anatomie est complexe et n’est généralement pas répartie de manière aussi stricte entre le crâne et la mâchoire ». Il suggère que la mâchoire attribuée à Skhūl I pourrait appartenir à un autre individu néandertalien incorporé dans la même sépulture. Il rappelle également que la confirmation de l’hybridation nécessite des données paléogénomiques directes, qui n’existent pas encore pour ce fossile.

Malgré les divergences, la découverte de Skhūl I élargit le cadre temporel des contacts entre les deux espèces et soulève de nouvelles questions sur l’organisation sociale de ces groupes. Le fait que la mineure ait reçu le même traitement funéraire que les adultes suggère une communauté avec un sentiment d’appartenance et de respect envers tous ses membres.

Cette pratique, documentée il y a 140 000 ans, anticipe des comportements qui ont ensuite caractérisé les populations humaines modernes et aide à comprendre comment la coexistence entre différentes lignées a façonné l’histoire évolutive commune de l’espèce.

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