Une importante étude internationale a permis d’identifier des liens génétiques communs entre divers troubles psychiatriques, clarifiant ainsi les difficultés rencontrées par les professionnels de santé pour diagnostiquer avec précision certaines maladies mentales. Cette avancée est le fruit d’une analyse exhaustive des données génétiques de plus d’un million de personnes, dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature.
Cette étude a redéfini la compréhension des maladies mentales

L’étude a identifié 428 variantes génétiques et 101 régions chromosomiques communes à 14 troubles psychiatriques, révélant ainsi un chevauchement génétique significatif entre ces maladies. Ces découvertes constitueront un nouvel outil pour redéfinir les troubles mentaux, non seulement en fonction de leurs symptômes, mais aussi en fonction de variables génétiques, ont déclaré les auteurs.
Cette recherche, menée par le Groupe de travail sur les troubles croisés du Consortium de génomique psychiatrique et coprésidée par Kenneth Kendler, professeur de psychiatrie à l’Université Commonwealth de Virginie, et le Dr Jordan Smoller, professeur au département de psychiatrie de la faculté de médecine de Harvard, représente l’analyse génétique la plus complète réalisée à ce jour dans le domaine de la psychiatrie.
L’étude a analysé les données génétiques de plus d’un million de personnes atteintes d’un trouble psychiatrique et de cinq millions d’individus sans diagnostic.
Grâce au séquençage de l’ADN, l’équipe a identifié les marqueurs génétiques les plus fréquents chez les personnes atteintes d’une affection spécifique, ce qui a permis de mettre en évidence les facteurs génétiques qui contribuent au développement de ces maladies.
Kendler a expliqué : « La psychiatrie est la seule spécialité médicale qui ne dispose pas de tests de laboratoire définitifs. Nous ne pouvons pas déterminer si une personne est dépressive à partir d’une analyse de sang ; nous devons nous baser sur les symptômes et les signes. Et cela s’applique à presque tous les troubles psychiatriques ».
Les résultats de cette recherche constituent l’analyse la plus exhaustive des données génomiques psychiatriques réalisée à ce jour et apportent un nouvel éclairage sur les raisons pour lesquelles les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique souffrent souvent d’un deuxième ou d’un troisième trouble.
Dans un article joint à Nature, Abdel Abdellaoui, chercheur au département de psychiatrie de l’université d’Amsterdam, a souligné : « Dans tous les facteurs, les gènes associés montrent une expression maximale pendant le développement fœtal, ce qui souligne l’importance des processus de développement précoce dans le risque psychiatrique ».
Abdellaoui a souligné que ces troubles psychiatriques semblent apparaître lorsque « certaines combinaisons de gènes et d’expériences de vie se combinent de manière défavorable ». Il a ajouté : « Cela devrait nous amener à reconsidérer les maladies mentales non pas comme une biologie défectueuse, mais comme l’intersection malheureuse de la variation naturelle et du stress environnemental ».
Les cinq familles de troubles

L’analyse a permis de regrouper les 14 troubles psychiatriques en cinq familles en fonction de leurs similitudes génétiques :
- Troubles compulsifs : trouble obsessionnel compulsif, anorexie mentale et, dans une moindre mesure, syndrome de Gilles de La Tourette et troubles anxieux.
- Troubles intériorisés : dépression majeure, troubles anxieux et trouble de stress post-traumatique.
- Troubles neurodéveloppementaux : trouble du spectre autistique, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité et, dans une moindre mesure, syndrome de Gilles de La Tourette.
- Schizophrénie et trouble bipolaire
- Troubles liés à la consommation de substances : trouble lié à la consommation d’opioïdes, trouble lié à la consommation de cannabis, trouble lié à la consommation d’alcool et dépendance à la nicotine.
L’étude a révélé que la dépression majeure, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique partagent environ 90 % de leur risque génétique, ce qui indique une forte base biologique commune.
De même, la schizophrénie et le trouble bipolaire partagent environ 66 % de leurs marqueurs génétiques. Ces données aident à expliquer pourquoi la plupart des patients diagnostiqués avec un trouble psychiatrique reçoivent plusieurs diagnostics au cours de leur vie, une situation qui, jusqu’à présent, rendait difficile la définition et l’approche clinique de ces maladies.
Les chercheurs ont également observé que les troubles présentant le plus grand chevauchement génétique présentaient des similitudes dans le moment d’expression des gènes au cours du développement humain et dans les types de neurones affectés.
Par exemple, les gènes exprimés dans les oligodendrocytes, des cellules clés du système nerveux central, étaient plus importants dans les troubles internalisés, tandis que les gènes exprimés dans les neurones excitateurs, responsables de l’activation d’autres neurones, étaient plus importants dans la schizophrénie et le trouble bipolaire.
Selon l’équipe citée par Nature, ces découvertes ouvrent la voie à une redéfinition des critères diagnostiques et au développement de nouvelles thérapies ciblant des groupes de troubles partageant une base génétique commune. Kendler a souligné : « Je suis très fier de participer à cet effort. Ce travail montre que nous gagnons davantage pour notre domaine et pour les personnes atteintes de maladies mentales lorsque nous nous unissons pour relever ces défis scientifiques. »
